Rencontre avec Caroline Audibert, spécialiste du « sauvage »

Journaliste, auteure et réalisatrice niçoise, amoureuse des montagnes et du haut pays, elle travaille depuis plus de 15 ans sur les liens qui unissent les hommes à leur environnement autour de la problématique de l’écologie. Son dernier cycle d’écriture est consacré au loup comme emblème du sauvage.

Interview de Caroline Audibert par Amine, Ela, Tania, Emilie et Michel

Elle définit la biodiversité comme l’ensemble des relations entre les vivants, organisées comme dans une toile d’araignée où les maillons sont reliés les uns aux autres. La biodiversité est aujourd’hui menacée par la 6ème extinction de masse qui pour la première fois dans l’histoire se produit très rapidement et est causée par une de ses espèces : l’espèce humaine ! Pour limiter les dégâts, il faut revoir nos habitudes et mesurer notre impact surtout dans l’hémisphère nord. La prise de conscience et de décision doit être individuelle, collective et politique au niveau international et doit se faire rapidement.

Pourquoi est-elle aussi sensible à la nature ?

Enfant, elle a passé tous ses étés dans un refuge de haute montagne tenu par ses parents loin des repères urbains et modernes du système capitaliste de l’Occident. Cette expérience l’a sensibilisée au « sauvage ». Adolescente, elle découvre, en 1993, avec son père la dépouille d’un loup, le 1er loup en France depuis l’éradication de l’espèce dans les années 30. Les espèces peuvent revenir des années après sur un territoire tel un phœnix qui renaît de ses cendres. C’est un message d’espoir pour l’avenir malgré les réintroductions artificielles de certaines espèces.

Les conséquences de la réintroduction du loup dans les montagnes au sud de l’Europe, d’après les scientifiques, met en place une écologie de la peur qui modifie le comportement des proies.

Les loups et les arbres sont liés.

Les ongulés sauvages, plus attentifs au risque de prédation, se divisent en petits groupes plutôt que de continuer à brouter en grand troupeau ; ils broutent aussi moins longtemps permettant ainsi un meilleur développement et une meilleure dynamique des forêts avec une réapparition plus rapide des jeunes pousses. Cela a aussi une incidence positive sur les sols, les eaux et les cours d’eau (les sources et les rivières). Ce rééquilibrage de l’écosystème peut prendre du temps surtout lorsqu’il a été artificialisé.

Et les jeunes dans tout ça ?

Passer par le « sentir », la sensibilité ! Rentrer dans la peau d’un loup, sortir des villes, écouter et regarder la nature autour de nous. Retrouver nos cinq sens et lever la tête des écrans.

La sensibilisation commence dès le plus jeune âge et chaque petit geste a son importance.

L’opposition depuis plusieurs siècles de l’homme et de la nature, héritage de la philosophie des Lumières, est aujourd’hui remise en question puisque notre corps lui-même est un écosystème rempli de bactéries.

A la fin de l’entretien, Caroline Audibert nous lit un extrait de son livre :

« Je me repais de soleil et de sang. Les arbres dorment, reprennent leur lutte. Les arbres ne sont jamais paisibles. Ils traquent la lumière, ils hissent leur tronc hésitant, échappent aux bouches des bêtes que nous chassons, étendent l’empire des racines, restent longtemps tapis sous les branchages, patientent, lapent les gouttes de lumière, guettent, se tordent plus haut, se bousculent pour piéger la clarté dans leur mâchoire, leurs feuilles graciles bordées de petits crocs, leurs feuilles vernies et fourbes, leurs feuilles vibrantes, leur bouquet d’aiguilles goulu brandi vers le ciel, affamé de soleil. Point de repos, il faut grandir encore, se hisser, échafauder des cimes acrobates, tirer la sève jusqu’aux branches, funambule, tenir l’équilibre, toujours tendre le piège des feuilles et boire la lumière de chaque aube, boire jusqu’au soir. Les grains de soleil coulent à travers les longs corps ligneux au-dedans de leurs bras lutteurs, de leur tronc vrillé, la lumière les nourrit comme le sang contente nos ventres ardents. Les arbres sont comme nous. La dame aux arbres ne le sait pas vraiment. Ce sont des fauves. »

En savoir plus sur son site internet où il y a beaucoup de ressources. Elle y écrit : “Chacune de mes réalisations est le reflet de mon engagement intellectuel et humain.”

Amine (interview), Ela (preneuse de son et montage audio),
Emilie (article, interview), Tania (photos, interview) et Michel (interview).