Réunion sur le projet d’extension de l’aéroport

Le 28 novembre dernier a eu lieu une réunion d’information sur le projet d’extension T2 de l’aéroport de Nice à la Salle Laure Ecard de Saint-Roch. Thierry Bitouzé et Airy Chrétien du Collectif Citoyen 06, ont informé de ce projet et de ses conséquences pour l’environnement, puis la centaine de personnes présentes ont pu exprimer leurs questions.

Tous les documents concernant ce projet sont en ligne sur le site du Collectif, y compris la lettre adressée au préfet des Alpes-Maritimes (qui a l’autorité pour autoriser ou refuser le projet), également sur le site de lA.N.Q.A.E.V.  qui s’oppose aussi à l’extension de l’aéroport.

Notons que le but de ce collectif est avant tout sur ce projet aux enjeux complexes. d’informer les citoyens

Mr Dominique Thillaud, président du directoire de l’aéroport NCA, n’était pas présent malgré l’invitation du Collectif qui souhaitait apporter des éléments de réponses à certaines interrogations.

Le projet d’extension de l’aéroport de Nice

Le projet consiste en une extension du terminal 2 de l’aéroport. L’objectif affiché est de suivre la croissance mondiale prévue du trafic aérien de 3,8% par an jusqu’en 2030.

L’aéroport pourrait alors accueillir 4 millions de passagers par an en plus d’ici 2026 (+26%) puis près de 8 millions supplémentaires d’ici 2030 (+56%) [source : étude d’impact sur l’environnement du 27/02/2019 page 123]. Sachant que 14 millions de passagers par an transitent actuellement par l’aéroport ; Ce qui ferait un total de 18 millions de passagers par an (2026) puis 21,6 millions (2030), selon la société Aéroports de la Côte d’azur.

L’extension permettrait ainsi d’ajouter 6 postes avions d’embarquement supplémentaires pour accueillir les passagers (voir projet) Actuellement, un avion décolle en moyenne toutes les 2 minutes de l’aéroport. L’aéroport atteindrait ainsi sa capacité maximum d’accueil selon la société. Pour autant, les dirigeants de l’entreprise indiquent que le nombre d’avions n’augmentera quasiment pas malgré l’extension de l’aéroport car ils pensent que la solution est d’augmenter le taux de remplissage des avions.

Pour rappel, l’aéroport de Nice a été privatisé en 2016, suite à la vente de la part de l’État dans le capital dans l’aéroport. Aujourd’hui, le consortium italien “Azzura” détient 64% des parts, il est donc l’actionnaire majoritaire.

Les raisons de l’opposition du Collectif au projet

Le Collectif Citoyen 06 est donc fortement opposé au projet et a adressé une lettre à la commissaire enquêtrice chargée de l’enquête publique sur ce projet (Madame Azan-Bruhlet) ainsi qu’au préfet des Alpes-Maritimes.

Pour le collectif, ce projet est un dossier emblématique dans le contexte d’urgence climatique et de pollution chronique.

Toutefois, c’est loin d’être la seule raison pour laquelle il s’y oppose.

Tout d’abord, le collectif remet en question la sûreté de la zone de construction. Premièrement, il souligne le fait que la zone est à risque pour les inondations mais aussi pour la submersion marine.

En effet, l’étude environnementale stratégique du nouveau plan climat de la métropole NCA (PCAET 2019-2025, p.52) montre qu’avec un réchauffement climatique de 2 degrés (que nous devrions dépasser), l’aéroport sera submergé à cause de la montée des eaux.

(voir étude – Page 52 de l’étude environnementale stratégique du PCAET 2019-2025 MNCA)

Deuxièmement, les nouvelles constructions et le projet de dépôt pétrolier de 5 millions de litres de kérosène (voir projet) risquent de créer un problème géologique pour la plateforme aéroportuaire qui s’enfonce déjà à un rythme régulier dans l’eau (même si ce n’est que de quelques millimètres par an pour l’instant). De plus, il rappelle les effets dévastateurs qu’aura cette construction sur la biodiversité avec la zone mitoyenne Natura 2000 (voir zone) qui va subir les effets de la construction des bâtiments et de la pollution des avions.

Pour Christian Razeau, ancien commissaire-enquêteur, l’existence de cette zone Natura 2000 pourrait faire annuler le projet. Il prend l’exemple de l’ancien projet d’extension du Port de Nice de construction d’une nouvelle jetée pour accueillir des porte-conteneurs. Il nous raconte pourquoi ce projet à but économique a été annulé en octobre dernier. Selon lui, l’extension de l’aéroport de Nice est un problème très important pour l’avenir de cette ville.

Le projet d’extension de l’aéroport est une demande déraisonnable.

Interview de Christian Razeau (2’41) :

 

D’autant plus, que Nice est une des villes les plus polluées de France (voir article). Cette pollution atmosphérique a pour conséquence de causer en moyenne 500 décès prématurés par an à Nice (source Agence régionale et nationale de santé et études épidémiologiques).               

Enfin, le collectif s’oppose à ce projet car il entre en contradiction avec les ambitions d’une transition écologique (notamment dictée par le plan climat), surtout au vu de l’urgence climatique (voir article). Alors même que “l’urgence climatique” a été déclarée par le maire en septembre 2019 en conseil métropolitain. En effet, l’avion, le moyen de transport le plus polluant, contribue au réchauffement climatique avec les émissions de gaz à effet de serre.

Arthur, jeune citoyen intéressé par l’écologie et détenteur d’un master en biodiversité, dénonce l’empreinte carbone d’un tel projet et fait référence à la honte de prendre l’avion qui se répand dans les pays du Nord (voir article) pour justifier la contradiction de ce projet avec les enjeux climatiques.

Ce projet ne va pas dans le bon sens.

Ayant peur pour son avenir, il fait le lien entre cette demande d’extension et la mobilisation pour le climat (voir nos articles sur cette mobilisation).

Interview d’Arthur (3’40) :

Il y a un problème [écologique] évident, l’empreinte carbone, l’émission de CO₂ par les avions.

En outre, le projet pose aussi des questions sur la résilience de la ville, particulièrement au niveau de la sécurité alimentaire et énergétique. En effet, l’autonomie alimentaire de la ville est estimée à 2,1% et l’autonomie énergétique à 8,7%. L’afflux supplémentaire de touristes viendrait ainsi aggraver ce problème selon le collectif.

 

Incohérences et manipulation de l’opinion

En plus de s’opposer au projet sur le fond, le collectif dénonce aussi la méthode utilisée pour mettre en place le projet.

Premièrement, il pointe du doigt deux incohérences. La première est celle de l’absence annoncée de lien entre l’augmentation du nombre de passagers et du nombre d’avions. En effet, selon le collectif il est impossible d’augmenter le nombre de passagers de 4 à 8 millions sans que le nombre d’avions augmente de manière importante, étant donné que le taux de remplissage moyen est déjà de 80% sur l’année et de 98% l’été. A cela s’ajoute le fait que de nouvelles lignes internationales sont sans cesse recherchées (exemple de la ligne Pékin-Nice à partir du 2/08/2019) et que cela fait donc naturellement augmenter le nombre d’avions.

La seconde incohérence concerne l’impact sur le trafic routier.

Selon leurs calculs, l’extension de  l’aéroport fera augmenter le nombre  de véhicules sur la Promenade des  anglais par jour de 12 300 en période estivale, soit +27%  de trafic supplémentaire.

Un impact rejeté par les responsables du projet qui estiment que les touristes prendront en majorité le tramway. Hors, selon le collectif, il y a déjà actuellement un manque de tramways en circulation et tous les touristes ne prendront pas le tramway, ce qui risque de saturer les principaux axes de transport.

Deuxièmement, le collectif dénonce la tentative de manipulation de l’opinion publique. Selon eux, la communication est trompeuse pour deux raisons.       

Tout d’abord, les responsables du projet donneraient l’illusion qu’il ne s’agit que d’une “simple extension” alors qu’il y a un vaste plan d’investissement derrière selon leurs recherches. Ils évoquent la construction d’un parking P3, d’un terminal 3 (page 36 de l’étude impact sur l’environnement) et d’un dépôt pétrolier (projet mené par Skytanking).                    

De plus, on chercherait à nous faire croire que l’aéroport n’a aucun impact sur l’environnement avec l‘accréditation “neutre en carbone”. Or, cette mesure des émissions de carbone ne prend pas en compte les émissions des avions en vol mais seulement celles des infrastructures de l’aéroport et des transports terrestres (avions au roulage, bus transportant les passagers, véhicules acheminant les valises et les escaliers pour avions, etc…). Ainsi la “neutralité carbone” revendiquée ne repose que sur 1% des émissions de gaz à effet de serre de l’aéroport.

Les alternatives proposées au projet

Le collectif citoyen 06 propose alors des alternatives au projet car pour eux c’est un “projet d’un autre temps” étant fondé sur les énergies fossiles.

D’autant plus que, selon eux, l’apport en emplois du projet n’est pas prouvé, comme le montre une étude de l’INSEE. Cette dernière compare l’évolution du trafic de passagers de l’aéroport de 2011 à 2016 à celle de l’emploi sur la zone niçoise et ne démontre pas l’apport d’emplois stables.

Pour construire un projet qui s’inscrit dans le long terme, il faudrait ainsi plutôt développer différents secteurs qui permettraient d’être en adéquation avec une transition écologique tout en pourvoyant des emplois stables. Le collectif met ainsi en avant les secteurs de l’agriculture (urbaine, périurbaine ou rurale, pour faire face à l’insécurité alimentaire), de la rénovation énergétique des bâtiments anciens ainsi que des énergies renouvelables (le solaire en particulier par rapport à l’exposition de la région).

Les associations partenaires du collectif

Plusieurs représentants d’associations partenaires du Collectif Citoyens 06 étaient présents. Voici une brève présentation du collectif et de ses associations partenaires.

Collectif Citoyen 06
Ce collectif a été créé en janvier 2019, en phase avec la montée en puissance de la société civile, principalement sur les questions qui touchent de près ou de loin au développement durable, à la transition écologique et citoyenne et à la santé publique.

Le but est alors de donner la parole aux citoyens et de demander à ce que les lois et règlements soient respectées.

Thierry Bitouzé du collectif est un des deux cofondateurs du collectif et organisateurs de la réunion. Il nous exprime son enthousiasme sur la volonté des citoyens.

 

Interview de Thierry Bitouzé (0’24):

Les citoyens veulent participer aux décisions publiques, ils ne veulent plus subir.

Terre bleue
Représentée par Hélène Granouillac, l’association Terre Bleue a pour but d’encourager les personnes à préserver la beauté du monde fragile qui nous entoure.

Gadseca
Représenté par Stéphane Aamour, le Gadseca est un groupement d’associations de défense des sites et de l’environnement de la Côte d’Azur,  qui depuis 50 ans prône un dialogue territorial de qualité afin de préserver l’environnement.

Ecomon
Représenté par Aileen Thévenin, Ecomon est une association étudiante de la faculté de Carlone qui veut sensibiliser et communiquer sur les enjeux environnementaux.

Synergie de la Transition écologique
Représenté par Jean-Noël Montagné, Synergie de la transition écologique est un collectif ouvert et horizontal, accueillant aussi bien des structures que des individus. Le but de leurs travaux est la synergie de l’action des collectifs, et non pas l’action elle-même.

France Nature Environnement
France Nature Environnement est la fédération française des associations de protection de la nature et de l’environnement.

Greenpeace
Représenté localement par Phillipe Spadatto, Greenpeace est une ONG internationale qui lutte pour la défense de l’environnement. Le groupe local relaie ainsi les campagnes nationales et internationales de Greenpeace tout en s’engageant dans des luttes locales.

Alternatiba 06
Représenté par Martin Jaubert (représentant également de l’ANV Cop21 06).
Alternatiba fait la promotion des alternatives aux modèles de développement actuel qui détruit l’environnement.

Citoyens pour le climat Nice
Représenté par Cédric Pharisien, le collectif Citoyen pour le climat date de 2018 et a été créé suite à la démission de l’ancien ministre de la transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot. Le collectif organise des marches pour le climat. Il rassemble des forces associatives et citoyennes et soutient la déclaration d’urgence climatique ainsi que le pacte de transition écologique (50 associations).

Pour les prochaines élections municipales, Le pacte soumet aux candidats 32 propositions pour agir localement. Il recommande aux candidats de s’engager sur au moins 10 propositions.
Le collectif fait aussi partie du mouvement Super Local qui a pour but de lutter contre les projets qui détruisent l’environnement.

Terre de liens
Représenté par Ghislain Nicaise, Terre de Liens est née en 2003 de la convergence de plusieurs mouvements liant l’éducation populaire, l’agriculture biologique et biodynamique, la finance éthique, l’économie solidaire et le développement rural.

Pour permettre à des citoyens et des paysans de se mobiliser et d’agir sur le terrain, le mouvement a inventé de nouveaux outils de travail capables d’enrayer la disparition des terres et de faciliter l’accès au foncier agricole pour de nouvelles installations paysannes.

C.A.P.R.E. 06
Représenté par Sylvie Bonaldi, le collectif associatif pour des réalisations écologiques, a déposé depuis 2015 deux recours au tribunal administratif de Nice. Ce dernier a donné raison au collectif en annulant le transfert du MIN (Marché d’Intérêt National) sur les terres agricoles de la Baronne (dossier en cassation à Paris).
C.A.P.R.E. 06 se déclare en opposition au projet du Grand Arénas, et à l’Eco-Vallée. 

Monique Touzeau, ancienne présidente de l’association nous raconte son parcours : de son réveil écologique à la création de l’association. En tant que conseillère municipale pour l’environnement, elle avait participé à l’annulation du projet de doublement de l’autoroute A8 comme elle nous le dit.

Elle ajoute : “Toute lutte peut mener à l’annulation d’un projet”.

Monique dénonce alors différents projets qui n’ont rien d’écologique selon elle comme : l’éco-vallée, le transfert du MIN dans la vallée du Var et le projet Grand Arenas. Projets qui s’inscrivent dans le plan local de l’urbanisme métropolitain, qui est lui-même en contradiction avec le STRADDET et le plan Climat selon ses mots.

Interview de Monique (7’01) :

On ne peut accepter tout projet de croissance s’il a un impact, même minime, sur la qualité de vie, le réchauffement climatique et sur l’équilibre écologique.

Pour aider son association à déposer des recours judiciaires contre ces projets, elle fait un appel aux dons (voir site)

Le collectif citoyen 06 et ses associations partenaires ne sont donc ni contre l’aéroport, ni contre le tourisme, mais pour un développement mesuré et de qualité de ce dernier.

Nous ne sommes pas opposés au tourisme ni à l’aéroport, mais nous sommes déterminés à ne pas sacrifier la protection environnementale, la lutte contre le réchauffement climatique, la santé publique et le bien-être des habitants des Alpes-Maritimes sur l’autel de la seule économie touristique.

Alors que le gouvernement a déjà apporté son soutien au projet (voir article) ; par la voix du secrétaire d’Etat aux Transports Jean-Baptiste Djebbari, dès le 5 novembre, soit au moment de la reprise de l’enquête publique après report. Le collectif a décidé de demander l’intervention de la CNDP car il s’agit pour eux d’une prise de position inacceptable au moment de l’enquête publique.

Que l’on soit pour ou contre le projet, l’action du collectif montre bien qu’il est nécessaire pour les citoyens de se saisir de ces enjeux d’ordre public car ils sont bien plus complexes que l’on pourrait nous le faire croire et qu’ils impactent directement la vie des gens au quotidien.

Au delà de la question de l’extension de l’aéroport, les projets envisagés par les autorités déterminent notre avenir commun et il est donc indispensable de s’en saisir car ne pas s’y intéresser, c’est accepter que les décisions qui impacteront leur avenir soient prises sans le consentement des citoyens.

Information de dernière minute : Les travaux de l’extension de l’aéroport ont démarré (déviation des réseaux du terminal T2.3) alors même que le permis de construire n’a pas été délivré par le préfet. Le collectif citoyen 06 a décidé de saisir le Procureur de la République le 13 décembre, suite à cette infraction pénale (voir lettre).

Légende :

MNCA : Métropole Nice Côte-d’Azur

MRAE : Missions régionales d’autorité environnementale

CNDP : Commission nationale du débat public

SRADDET : Schéma Régional d’Aménagement, de Développement Durable et d’Égalité des Territoires

PCAET : Plan Climat Air Énergie Territorial

Quentin (article, interview, photos) & Lola (photos, interviews, montage).